Animaux en paradis
Howard BarkerProjet de Diplôme - ENSAD 2011
Agir sur le lieu le tordre, le modeler jusqu’à changer son essence même pour en faire le théâtre de la lutte fratricide qui oppose les danois aux suédois dans la pièce de Barker. La scène s’inscrit dans le squelette d’une usine laissée en friche en cours de destruction à Montreuil. La ruine deviendra, pour le temps de la représentation, le théâtre de la lutte sans merci qui oppose Taxis et le philosophe Machiniste pour la domination du corps-paysage de Tenna. Le spectacle prend place au crépuscule, au fond d’une fosse creusée dans la moitié de l’usine, la terre de l’excavation semble fraîchement retournée, en son centre siège une structure étrange, à la fois échafaudage et table de négociations; dans cet espace ouvert elle symbolise le territoire qui déchaînera les luttes. C’est un espace contradictoire, à la fois immense et encaissé, qui lisse les différences entre les belligérants tout en exaltant leurs rapports de force, un monument à la guerre et à la reconstruction, à la fois fosse commune et fondation. Inviter le public à assister à l’étrange cérémonie qu’est l’exhumation d’un charnier, quand les corps entassés pêle-mêle retrouvent leur unicité avant d’être ré-enterrés chacun dans des tombes individuelles.
La pièce / Une reine agonise. Son pays, la Suède, est empêtré dans une guerre totale avec le Danemark. À sa mort elle charge son fils le prince Taxis de continuer le massacre. Jeune homme obéissant il endosse le rôle de tyran et ordonne l’érection d’une tour, la plus haute possible, mausolée qui prolongera le règne de sa mère. Les Danois, eux, suivent l’enseignement du philosophe Machiniste. Sa maitresse, Tenna, écoeurée par son statut d’objet sexuel décide de traverser la mer pour s’abandonner aux Suédois. Après l’avoir torturée ceux-ci la présente au roi. Fasciné par la vision de son corps tuméfié, Taxis prends le contrepied de sa mère et s’essaye à l’amour faisant de Tenna sa reine. Il tente d’imposer la paix en ordonnant le démantèlement de la tour pour construire un pont couplant les deux nations. De cette union naîtra une fillette étrange qui, loin d’être symbole d’espoir, semble relancer le cycle de violence.
Avec Animaux en Paradis Howard Barker décrit un monde qui se bâtit sur les cadavres et a dépassé le stade de la stérilité : des bébés naissent qu’on enterre aussitôt. Le sexe n’y est en aucun cas partage, il y est instrument de domination. Sur cette toile de fond les tentatives désespérées des personnages pour accéder à la transcendance restent vaines, elles semblent même aménager leur propre asservissement.
2011